Le ministère de l’Éducation refuse de financer le volet francophone d’une école privée spécialisée de Montréal, qui reçoit pourtant des subventions publiques… du côté anglophone seulement.
L’Académie Centennial, une école secondaire installée dans des locaux adjacents au Collège de Montréal, accueille environ 146 élèves francophones, et 174 élèves anglophones. Ces jeunes ont, dans une proportion de 95 %, des diagnostics de troubles d’apprentissage : de la dyslexie, des troubles du spectre de l’autisme, de l’anxiété ou des difficultés de langage.
L’institution, d’abord anglophone, a ouvert ses portes en 1976. Aujourd’hui, pour les élèves qui étudient en anglais, « nous avons les subventions », confirme en entrevue la directrice générale, Angela Burgos. Mais du côté francophone, c’est plus compliqué.
Jusqu’en 2016 et depuis 40 ans, l’Académie Centennial accueillait uniquement des élèves anglophones et recevait le financement public octroyé à toutes les écoles privées, soit environ 5000 $ par élève, explique Mme Burgos. En 2016, l’école a ouvert ses portes aux élèves francophones. Elle a d’abord reçu six élèves envoyés par des centres de pédiatrie sociale, relate la directrice générale.
Deux ans et un déménagement plus tard, en 2018, l’institution a été en mesure d’exiger un nouveau permis. À l’instar de dizaines d’écoles privées au Québec, elle a donc envoyé une demande de subvention au ministère de l’Éducation. La requête a été refusée. L’ouverture de l’école aux élèves francophones a été considérée, au gouvernement, comme la création d’un nouvel établissement, constate Mme Burgos.
Or dans les faits, la clientèle francophone de l’Académie Centennial s’est accrue, au détriment de la clientèle anglophone. En 2016, l’école accueillait 220 élèves, et à peine 3 % d’entre eux (6 élèves) étaient francophones. En 2024, l’école a dans ses classes 320 élèves, et 46 % d’entre eux sont francophones.
Priorité à l’école publique
Dans une réponse au Devoir, le porte-parole du ministère de l’Éducation Bryan St-Louis confirme que l’Académie Centennial est agréée aux fins de subvention depuis 1976 pour le volet anglophone. « Depuis 2018, l’Académie offre un volet francophone, qui n’est pas couvert par l’agrément précédent », écrit-il. Pourquoi ? « Aucun nouvel agrément n’a été accordé depuis 2008, car l’école publique a été priorisée dans les dernières années », répond M. St-Louis.
Dans des lettres transmises à l’Académie Centennial en septembre 2022 et en juin 2023, le ministère dit refuser d’octroyer un permis au volet francophone de l’école en raison « de ressources budgétaires limitées ». L’école a en revanche reçu, en avril 2022, une aide ponctuelle de 600 000 $.
Dans une lettre, l’ex-ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, explique donner cette subvention afin de « favoriser l’accès des élèves francophones et anglophones à une éducation de qualité et adaptée à leurs besoins ». L’élu se dit « heureux de constater que les efforts consentis par les membres [du] personnel se traduisent par des résultats concrets pour les élèves et qu’ils contribuent à leur donner les outils, la motivation et le sentiment d’appartenance dont ils ont besoin pour aller jusqu’au bout de leur parcours scolaire ».
Plus de diplômés
En entrevue, Mme Burgos souligne que le taux de diplomation après cinq ans est de 80 % chez les élèves de l’Académie Centennial. Dans l’ensemble du Québec, ce taux est de 46 % pour les élèves handicapés, en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA).
Mme Burgos ajoute que son école n’exige pas le financement octroyé aux écoles spécialisées, qui tourne autour de 17 000 $ par enfant. « Nous voulons avoir seulement 5000 $ [par élève], comme toutes les écoles privées », dit-elle.
Les parents des élèves de l’Académie Centennial déboursent environ 22 000 $ par année. « Ce sont de gros sacrifices », souligne la directrice de l’avancement de l’école, Julie-Anne Roy. « Du côté francophone, la majorité est dans la classe moyenne. Ils ne sont pas fortunés, mais ils savent que, s’ils envoient leurs enfants dans le secteur public, ce ne sera pas assez, ils n’auront pas le soutien nécessaire. »
Mme Burgos, qui a travaillé pendant 26 ans dans des écoles publiques, estime que l’Académie Centennial devrait servir d’exemple pour d’autres institutions. « Nos parents peuvent dire que ça a changé leur vie familiale, la santé mentale des étudiants, le bien-être. […] C’est vraiment une formule qui fonctionne », souligne-t-elle.